Appel à communications

Interactions langagières en classe et construction des savoirs dans les disciplines scolaires

Depuis le début des années 2000, des données issues de la recherche ont montré la place fondamentale de la langue dans la construction des savoirs scolaires, quelles que soient les disciplines concernées (Babault, 2015 ; Bigot et al., 2017 ; Gajo, 2007 ; Garcia-Debanc et al., 2009 ; Jaubert, 2007 ; Hache, 2019;  Schneeberger & Vérin, 2009; Volteau & Rançon, 2015) alors que, paradoxalement, les enseignants ne sont généralement pas formés à la prise en compte des aspects langagiers de la didactique de leur discipline (Babault, 2018). Parallèlement, d’autres recherches ont montré qu’une proportion importante du public scolaire est fragilisée par une maîtrise insuffisante des fondamentaux de la langue de l’école, qu’il s’agisse d’élèves migrants ou d’élèves ayant la langue de l’école comme langue première (Klein, 2012; Mendonça Dias & Millon Faure, 2018).

Ces diverses recherches soulignent bien la nécessité de mener une réflexion sur la part langagière de la construction des savoirs scolaires.  Au sein de l’ensemble langagier, les interactions de classe jouent un rôle incontournable dans la conceptualisation des savoirs chez les apprenants (Filliettaz & Schubauer-Leoni, 2008; Munford & Zembal-Saul, 2002; Rivière, 2012; Silveira & Munford, 2020; Skovholt, 2017). Cependant, les interactions de classe dans des disciplines autres que les langues restent encore insuffisamment explorées, probablement en raison de leur positionnement à l’intersection de plusieurs champs de recherche. Ainsi, de nombreuses questions demandent à ce jour à être approfondies. Comment les interactions de classe constituent-elles des appuis pour la construction des savoirs ? Quel rôle le discours enseignant joue-t-il dans ces interactions ? Les interactions de classe sont-elles caractérisées par des spécificités propres à chaque matière ? Comment des élèves aux profils très diversifiés peuvent-ils tous tirer des bénéfices de ces interactions ?

Par ailleurs, après deux ans d’adaptation des classes aux conditions imposées par le COVID, ces questions s’appliquent également à des situations d’interactions de classe à distance. Pour répondre à des contraintes médicales, de temps, de lieu ou encore de contexte sanitaire, l’enseignement à distance tend à offrir aux enseignants des moyens de développer leur présence à distance (Jézégou, 2010) et ainsi d’entretenir les interactions sociales et pédagogiques avec leurs apprenants. Pour autant, « apprivoiser la distance » (Jacquinot, 1993) pour parvenir à des échanges fructueux au service des apprentissages n’est pas chose aisée en raison de multiples contraintes. La distance modifie, voire limite, les activités communicatives non verbales (Develotte et al., 2011) ou encore la collaboration entre les apprenants (Crinon et al., 2003; Connac, 2017) au point d’accroître selon les contextes le degré d’hétérogénéité entre les élèves.

Les réponses à apporter à ces questions passent nécessairement par un éclairage pluri- et interdisciplinaire grâce auquel linguistes interactionnistes, spécialistes d’analyse du discours, chercheurs en sciences de l’éducation et didacticiens de toutes disciplines (mathématiques, histoire-géographie, sciences, etc.) seront amenés à apporter un regard croisé sur les interactions de classe en confrontant leurs outils conceptuels et méthodologiques.

Durant ce colloque, les communications issues de travaux pluridisciplinaires seront les bienvenues. Les communications pourront également s’inscrire dans un champ disciplinaire spécifique, tout en ouvrant la discussion à des échanges croisés.

Les propositions de communications pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants:

●        axe 1: interactions en classe et hétérogénéité des élèves

Cet axe vise une mise en relief de la diversité des profils des élèves telle qu’elle entre en jeu dans les interactions de classe,  que ce soit sur le plan des formes variables d’implication des élèves dans ces interactions (Havik et Westergård, 2019) ou sur celui de la prise en compte des “difficultés socialement différenciées” (Bautier, 2006). Sont également considérées toutes les formes de constructions collectives discursives et conceptuelles émergeant dans les interactions de classe.

●        axe 2:  l’enseignant dans les interactions de classe

 Il s’agira dans cet axe d’apporter des éclairages sur la dimension enseignante en proposant des résultats de recherches de terrain (corpus d’interactions). Nous nous intéressons à différentes dimensions :

-          le discours de l’enseignant : est-ce que les interactions de classe modifient le discours enseignant  ? Quel travail sur la reformulation ?

-          la pensée enseignante durant l’interaction (Teacher thinking (Borg, 2003)) : quels éléments influencent la “pensée interactive” ?

-          la formation enseignante :  quelle formation à la gestion des interactions ? Comment former à interagir / gérer les interactions ? Quels outils pour former ? (Zhang Waring & Chepkirui Creider, 2021)

●        axe 3: interactions en classe à distance

Cet axe permettra d’interroger la place et les influences (positives ou non) des outils numériques sur les interactions entre enseignant-e-s et élèves, et entre élèves. Les classes virtuelles via les plateformes de visioconférences (Peraya & Dumont, 2003) et les Environnements Numériques de Travail (Genevois & Poyet, 2010) ne sont que quelques exemples parmi les divers dispositifs à disposition des enseignant-e-s pour enseigner et interagir à distance. Les communications pourront également porter sur l’enseignement à distance en temps de pandémie et son influence sur la continuité ou non des dynamiques interactives observées dans les établissements (Ifé, 2020 ; Caron et al., 2020).

 

Références bibliographiques

Babault S. (2015). L’éducation bilingue : enjeux de politique linguistique, appropriation par les acteurs sociaux, développement de compétences chez les apprenants. Habilitation à diriger des recherches, document de synthèse. Université Lille 3.

Babault S. (2018). Enseignement du français aux élèves allophones nouvellement arrivés en France : innover pour répondre au défi de l’inclusion scolaire. Le langage et l’homme, 53/2, 157-177.

Bautier E. (2006). Le rôle des pratiques des maîtres dans les difficultés scolaires des élèves. Une analyse de pratiques intégrant la dimension des difficultés socialement differenciées. Pratiques 143-144, 11-26. DOI: https://doi.org/10.4000/pratiques.1378

Bigot V., Leclère M., Romero M. (2017). Place des enjeux d’acquisition langagière dans le multi-agenda de l’enseignant de DdNL: l’exemple d’un cours d’histoire pour collégiens allophones. The Canadian Modern Language Review 73/2, 237-253.

Borg, S. (2003). Teacher cognition in language teaching : A review of research on what language teachers think, know, believe, and do. Language Teaching, vol. 36, n° 2. pp. 81-109.

Caron, J., Gaudreau, N., Harvey,C., Sicard, S., Robitaille, S., Arbour, M. et Brochu, T. (2020). La gestion de classe au primaire en contexte de pandémie. Formation et profession. 28(4 hors-série). 1-12. http://dx.doi.org/10.18162/fp.2020.674

Connac S. (2017). La coopération entre élèves. Paris: Canopé.

Crinon, J., Marin, B. & Legros, D. (2003). L’impact de la collaboration à distance sur l’apprentissage des temps du récit au cycle 3. Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain, Strasbourg, France. pp.103-114.

Develotte, C., Kern, R., & Lamy, M.-N. (Éds.). (2011). Décrire la conversation en ligne : Le face à face distanciel. ENS.

Fillietaz L., Schubauer-Leoni M.L. (2008) (eds.). Processus interactionnels et situations éducatives. Bruxelles: De Boeck.

Gajo L. (2007). Enseignement d’une DNL en langue étrangère: de la clarification à la conceptualisation. TREMA, 28, 37-48.

Garcia-Debanc C., Laurent D., Galaup M. (2009). Les formulations des écrits transitoires comme traces du savoir en cours d’appropriation dans le cadre de l’enseignement des sciences à l’école primaire. Pratiques 143-144, 27-50. DOI : 10.4000/pratiques.1384

Genevois, S. & Poyet, F. (2010). Espaces numériques de travail (ENT) et « école étendue »: Vers un nouvel espace-temps scolaire ?. Distances et savoirs, 8, 565-583. https://doi.org/

Hache C. (2019). Questions langagières dans l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques. Histoire et perspectives sur les mathématiques. Habilitation à diriger des recherches. Université Paris Diderot.

Havik T., Westergård E. (2019). Do Teachers Matter? Students’ Perceptions of Classroom Interactions and Student Engagement. Scandinavian Journal of Educational Research 64(1):1-20. DOI:  10.1080/00313831.2019.1577754

Ifé. (2020). Les effets du confinement sur l’activité des enseignants du primaire et secondaire : Synthèse des résultats.

Jacquinot, G. (1993). Apprivoiser la distance et supprimer l'absence ? ou les défis de la formation à distance. Revue française de pédagogie, volume 102, pp. 55-67. DOI : https://doi.org/10.3406/rfp.1993.1305

Jacquinot-Delaunay, G. (2002). Chapitre 6. Absence et présence dans la médiation pédagogique ou comment faire circuler les signes de la présence. In : Roger Guir éd., Pratiquer les TICE: Former les enseignants et les formateurs à de nouveaux usages (pp. 103-113). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.guir.2002.01.0103"

Jaubert M. (2007). Langage et construction de connaissances à l’école : un exemple en sciences. Bordeaux : Presses universitaires de Bordeaux.

Jézégou, A. (2010). Créer de la présence à distance en e-learning: Cadre théorique, définition, et dimensions clés. Distances et savoirs, 8, 257-274. https://doi.org/

Klein C. (ed.). (2012), Le français comme langue de scolarisation. Accompagner, enseigner, évaluer, se former. Paris : Canopé.

Mendonça Dias C., Millon Faure K. (2018). French as an Additional Language for Mathematics’ Purposes. Languages for Specific Purposes in History. Cambridge : Cambridge Scholars Publishing.

Munford D., Zembal-Saul C. (2002). Learning Science through Argumentation: Prospective Teachers' Experiences in an Innovative Science Course. Paper presented at the Annual Meeting of the National Association for Research in Science Teaching (New Orleans, LA, April 6-10, 2002).

Peraya, D. & Dumont, P. (2003). « Interagir dans une classe virtuelle : analyse des interactions verbales médiatisées dans un environnement synchrone », Revue française de pédagogie, 145, p. 51-61

Rivière V. (2012) (dir.). Spécificités et diversités des interactions didactiques. Riveneuve éditions.

Schneeberger P. et Vérin A. (2009). Développer des pratiques d’oral et d’écrit en sciences. Quels enjeux pour les apprentissages à l’école ? Paris : INRP.

Silveira L., Munford D. (2020). Aprendizagem de ciências: uma análise de interações discursivas e diferentes dimensões espaço-temporais no cotidiano da sala de aula. Revista Brasileira de educação. 25. DOI: https://doi.org/10.1590/S1413-24782020250015

Skovholt K. (2017). Anatomy of a teacher-student feedback encounter. Teaching and Teacher Education : An International Journal of Research and Studies.  Volume 69, 142-153. DOI: https://doi.org/10.1016/j.tate.2017.09.012

Volteau S., Rançon J., (dir.) (2015): La reformulation : usages et contextes. HS 18 – CORELA. corela.revues.org.

Zhang Waring H., .Chepkirui Creider S. (2021). Micro-Reflection on Classroom Communication. A FAB Framework. Equinox Publishing Ltd..

 

Déposer une proposition de communication

Les propositions de  communications devront être déposées sur le site du colloque au plus tard le 30 mai 2022. Elles devront faire au maximum 2500 caractères (espaces compris). Elles pourront être en français ou en anglais. 

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